Moly Robichaud

Étudiante en droit
15 décembre 2020

Le contrat d’emploi : quels sont les éléments-clés à considérer en matière de clauses restrictives?

Le Code civil du Québec (ci-après « C.c.Q ») prévoit à son article 2088 une garantie de loyauté qui survit pendant un délai raisonnable après la cessation du lien d’emploi. Cette obligation de loyauté prévoit notamment que l’employé doit agir de bonne foi, éviter les conflits d’intérêts et éviter de poser des actes qui pourraient causer préjudice à son employeur. Toutefois, un employeur peut considérer cette protection de base insuffisante et donc vouloir prévoir des clauses plus restrictives dans ses contrats d’emploi, telles que des clauses de non-concurrence et des clauses de non-sollicitation.

La rédaction de clauses restrictives constitue un enjeu majeur en droit du travail, la clé étant l’atteinte de l’équilibre entre la protection des intérêts légitimes de l’employeur et le droit de l’employé de gagner sa vie.  

Une clause de non-concurrence vise à empêcher un ancien employé de travailler pour un compétiteur ou de démarrer une entreprise dans le même secteur d’activités que son ancien employeur. En ce qui a trait à la clause de non-sollicitation, elle vise plutôt la protection des employés, de la clientèle, et des sous-traitants de l’employeur. En effet, elle empêche l’ancien employé de solliciter ces derniers dans le but de les inciter à faire affaire avec lui.

La clause de non-concurrence qui figure à un contrat d’emploi est régie par l’article 2089 du C.c.Q :

« Les parties peuvent, par écrit et en termes exprès, stipuler que, même après la fin du contrat, le salarié ne pourra faire concurrence à l’employeur ni participer à quelque titre que ce soit à une entreprise qui lui ferait concurrence.

Toutefois, cette stipulation doit être limitée, quant au temps, au lieu et au genre de travail, à ce qui est nécessaire pour protéger les intérêts légitimes de l’employeur.

Il incombe à l’employeur de prouver que cette stipulation est valide. »

La clause de non-concurrence doit donc comporter une limite quant aux activités visées ainsi qu’une limite temporelle et une limite territoriale. De plus, les termes de la clause doivent être raisonnables eu égard aux intérêts légitimes de l’employeur et aux caractéristiques de l’emploi. Ces clauses restrictives prennent donc tout leur sens dans le cas de l’employé qui joue un rôle clé, qui a des liens étroits et réguliers avec la clientèle, et qui a accès à de l’information privilégiée confidentielle dont la divulgation à un concurrent serait hautement préjudiciable pour l’entreprise.

L’article 2089 C.c.Q. ne traite pas textuellement des clauses de non-sollicitation, mais la jurisprudence a reconnu son application dans l’évaluation de ces dernières considérant leur caractère similaire. Toutefois, la clause de non-sollicitation visant un capital humain n’a pas à comporter une limite quant au territoire.

L’évaluation de la raisonnabilité des clauses restrictives étant un exercice d’analyse global hautement factuel, il est donc pertinent de s’attarder aux enseignements de la jurisprudence en la matière.  

 

Limite temporelle. Il faut éviter de restreindre pour une durée excessive la liberté d’un salarié. Généralement, une clause d’une durée de 12 mois est jugée acceptable et une clause d’une durée entre 12 mois et 24 mois nécessite une justification plus étoffée. D’ailleurs, les tribunaux ont très souvent refusé de donner effet à des clauses de non-concurrence d’une durée supérieure à 24 mois et ils sont peu enclins à reconnaître une restriction plus longue ou équivalente à la durée du contrat d’emploi. La jurisprudence a établi des critères qui permettent de guider la détermination d’un délai raisonnable. Ce dernier doit correspondre au temps nécessaire pour remplacer l’employé. De plus, il est reconnu que plus l’employé est haut placé, plus la durée de la clause peut être longue.

Limite territoriale. Le territoire prévu doit être énoncé de manière précise. À titre d’exemple des appellations du type, « et dans les environs » ont été refusées par les tribunaux. Le caractère raisonnable de cette limite s’évalue en fonction de l’activité économique et de la dispersion de la clientèle. Par exemple, dans le domaine de l’industrie du savoir, une limite plus large a été acceptée.

Limite quant à la nature du travail. Il faut impérativement décrire de manière précise la nature exacte des activités ou du genre de travail prohibés. Les tribunaux ont d’ailleurs refusé des restrictions quant aux activités qui visaient tout type de travail dans un domaine particulier ou qui décrivaient tout simplement cette limitation par ce qui est « en concurrence ».

Conclusion

Le tribunal interprète restrictivement ces clauses en raison du déséquilibre qui caractérise la relation employé-employeur. Ces clauses doivent donc être rédigées en termes clairs et précis, car une clause ambiguë sera interprétée en faveur de l’employé. D’ailleurs, la preuve de la validité de la clause revient à l’employeur. De plus, il suffit qu’un seul des critères soit manquant ou jugé déraisonnable par le tribunal pour que l’employeur perdre toute protection accordée par la clause restrictive. En effet, si, par exemple, le tribunal juge que la limite temporelle de deux ans est abusive, la clause sera invalidée dans son entièreté plutôt que corrigée ou réduite. Cependant, il est important de préciser que lorsque la clause est invalidée, l’employé est tout de même tenu au devoir de loyauté pendant un délai raisonnable suivant la rupture du lien d’emploi.

Cet article contient de l’information juridique générale et ne doit pas se substituer aux conseils d'un avocat qui prendra en compte les spécificités de vos besoins.